« Vaujany, un village face aux Grandes Rousses » | 2022

Un peu moins d’un an après l’avoir traversé en vélo lors de notre ascension du col du Sabot, nous voici, mon frère et moi, de retour à Vaujany. Mais cette fois-ci nous y séjournerons deux nuits. Le temps pour moi de découvrir les alentours. D’en savourer les richesses quelque part sur les traces de ceux et celles qui jadis ont façonné ce village, modelé ses sentiers. Car oui, c’est ainsi que l’on découvre Vaujany

Ici, les sentiers de randonnées nous comptent au fil des pas l’histoire de cette montagne, celle des hommes et des femmes qui la peuple : leur épopée au travers des siècles depuis le temps des colporteurs et des paysans jusqu’à celui du développement touristique.

Je vous invite aussi à découvrir les fiches thématiques. Celles-ci m’ont permis de structurer et d’enrichir mon article. Jouant des codes dans un subtil équilibre entre modernité et tradition, ce village-station fait face aux Grandes Rousses.

Activité

Rando. pédestre

Massif

Belledone / Grandes Rousses

Distance totale

42 km

Dénivelé + total

2308 m

> Album photo HD

> Fiches thématiques Cirkwi


Panorama de la Cascade de la Fare
Panorama de la Cascade de la Fare
Panorama du Massif des Grandes Rousses
Panorama du Massif des Grandes Rousses
Panorama vu depuis la Fenêtre du Bessey
Panorama vu depuis la Fenêtre du Bessey
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Un petit coin de paradis contre un coin de parapluie (Fiche)

En contrebas de Vaujany, au niveau du moulin situé aux Combes, le très bucolique sentier de l’Enversin sillonne parallèlement le torrent du Flumet jusqu’à la gare des remontées mécaniques de la Villette-Montfrais. A droite, à l’ombre d’une forêt d’épicéas et de feuillus, le chemin familial de la cascade s’élève tranquillement en direction de cette bulle de fraîcheur. Tandis que l’arrivée au pied de la cascade nous enveloppe instantanément d’une sensation de bien-être, les embruns humides s’accompagnent d’un fort bruit pourtant apaisant. La cascade de la Fare est un havre de paix à l’effet brumisateur garanti. Malgré un débit réduit du fait des très faibles précipitations des dernières semaines, nous avons d’ailleurs été surpris par le “souffle” généré par la force de l’eau. L’origine du mot la Fare viendrait de “précipice”. Soyez donc vigilant en ce lieu. La cascade offre également un très beau panorama sur le village de Vaujany et permet de discerner très distinctement les trois phases de son développement en descendant la pente: le village historique, la place du téléphérique et les complexes sportifs. Seul à cette heure de la journée, nous ne pouvions rêver meilleur spot pour entamer ce week-end. Dans cet écrin de verdure avec les hauts sommets comme décor nous nous laissons bercer par le mouvement perpétuel de l’eau. Nous la regardons s’écouler et scintiller sous le soleil.

Plateau de Montfrais (Fiche) et Descente sur l’Enversin d’Oz (Fiche)

Date de sortie : 3 juillet 2022
Sport : Marche / Nature : Randonnée libre
Lieu de départ : Vaujany (38114) – Isère
Distance : 27,60 km
Altitude minimale : 1088 m / Altitude maximale : 1902 m
Dénivelé + : 1591 m
Météo : Soleil
Album photo : 2022 | Vaujany, entre tradition et modernité, un village face aux Grandes Rousses”
Trace GPS

Pour cette journée, du fait de mon manque d’entraînement et/ou d’une certaine appréhension due à plusieurs différents pépins physiques qui ont émaillé mon début d’année, je choisis de ne pas trop m’éloigner de la station.

C’est ainsi que je pars en direction du hameau de la Villette. Au niveau du pont des chèvres, vers le moulin rénové, là même où débute le sentier de la cascade emprunté hier, je vire sur la gauche puis de suite à droite. C’est là qu’attaque mon ascension en zigzags sur le versant face au Rissiou. Tantôt au travers des herbes vertes et des fleurs d’altitude, tantôt au travers de petits éboulis de pierre où le sentier a été stabilisé ou bien encore à l’ombre des arbres. La pente est assez raide et j’apprécie la fraîcheur du matin. Je m’approche de la cascade d’abord au niveau médian de la via ferrata puis plus haut, là où l’eau se jette dans le vide provoquant ce bruissement perpétuel enchanteur. Là aussi où attaque un second échelon de végétation. La forêt laisse place aux alpages d’altitude du Clos Giraud. Un lieu à l’apparence si calme mais où la nature peut parfois se montrer violente en témoignent les ruines d’anciennes bergeries.

Plus haut encore, commence la haute montagne du massif des Grandes Rousses au sein duquel, et comme partout ailleurs, le recul des glaciers est spectaculaire. Premières victimes d’un phénomène plus vaste dont “le point de non-retour serait imminent” d’après le dernier rapport des experts du GIEC. Invisible que de ceux qui ne veulent pas voir cette vérité conjuguée au présent, et ce depuis des décennies déjà. Occulté pour ceux qui les sacrifie sur l’autel des enjeux économiques, financiers et des profits maximum. Un massif trop peu vêtu.

Un sifflement reconnaissable de tous les randonneurs me souhaite la bienvenue. Il m’indique vers quel côté je dois porter mon regard. Ici, à droite, une marmotte, la vigie alerte ses congénères du danger. Oui, en ce lieu, je suis un étranger sur leur territoire. Immobile, j’apprécie l’instant comme il se doit. J’avance à pas de loup en balayant le panorama du regard. En face, les aiguillettes de Vaujany et son décor de science-fiction. Légèrement à ma droite, le col du Couard et à gauche, les lacets sauvages du col du Sabot. Au niveau du restaurant le Vaujaniat, je prends à droite via les pistes de ski puis peu de temps après, à gauche, un sentier étroit qui rentre de nouveau dans la forêt et sur lequel cohabitent habituellement vététistes et marcheurs. Ce matin je n’aurai vu qu’une seule traileuse. La descente est raide, poussiéreuse et glissante. Prudence est de mise. Je rejoins de nouveau le hameau de la Villette par le sentier de Roche Melon puis Vaujany en empruntant en partie la piste d’enduro Crazy Mustang. Je traverse la station de part en part pour réaliser un crochet par l’Enversin d’Oz dont le nom est en lien avec la configuration du hameau qui se trouve à l’envers de Oz-en-Oisans. Il est situé un peu moins de 200 mètres plus bas. L’astre a maintenant atteint son zénith en élevant la température extérieure. Heureusement pour moi, la majeure partie du parcours se fait en sous-bois. Les passages au soleil sont autant de chapes de plomb qui écrase les valeureux, limitant leur capacité physique et d’endurance et les ralentissant dans leur progression. Chapeaux aux coureurs et coureuses de la Marmotte et une pensée toute particulière à mon frère aligné dix ans après sur l’épreuve de l’Ultra Marmotte.

Grand Beau Rocher (Fiche)

Cette deuxième randonnée me mène au Grand Beau Rocher. Je traverse les hauts de Vaujany en contrebas de la place de la Fare via Le Grand Chemin. Ce dernier passe devant le musée de la Faune. Les dernières habitations laissent ici la place à un parcours sauvage dans des tons de verts et de marrons. Chemin du Bessey, une nuée de papillons m’accueille sur un sentier qui traverse le cours d’eau dans une courbe à gauche avant de monter progressivement, avant de s’incliner plus sévèrement parallèlement au ruisseau. Assez peu emprunté par les randonneurs, la sente chemine en “petit S serré” majoritairement en sous-bois. Il fait chaud à cette heure de la journée si bien que j’ai du mal à prendre la mesure de cette pente soutenue souvent supérieure aux 20%. Les pulsations cardiaques s’accélèrent. Je m’arrête à chaque lacet, reprendre un souffle qui me fait cruellement défaut. Impossible de trouver mon rythme.

Peu après, au Rullard, je délaisse la trace menant à la cheminée d’équilibre pour prendre à droite en direction du Collet. Aux abords de la clairière de Clos Laberge, la pente est relativement plus plate. Peu à peu, la forêt peuplée principalement de mélèzes se dissipe, dévoilant un large panorama sur le massif des Grandes Rousses. Revers de la médaille, les rayons chauds du soleil percent plus facilement l’épais couvert végétal. A chaque mètre de dénivelé positif gagné, celui-ci devient plus éparse au point de devenir quasi inexistant. De facto, tout du long de ma progression en balcon sur le flanc Est du massif du Rissiou, je bénéficie des vues imprenables sur des pans de montagnes puissants et immenses. Au niveau du Petit Rochas 1765, sur la gauche, l’étroit sentier aux passages très raides serpente parmi diverses arbustes et pieds de myrtilles jusqu’à atteindre le point de vue du Grand Beau Rocher à 1923 mètres d’altitude. L’endroit inondé de soleil est calme et doit être merveilleux en automne lorsque les crêts du massif cristallin se drapent dans leur épais manteau blanc.

Devant moi, la vue s’étend du bleu du barrage du Verney au vert alpage du col du Sabot, contraste saisissant avec le gris sombre et minéral des Aiguillettes de Vaujany. Les très hauts sommets du Col de la Pyramide (3351m) et du Pic de l’Étendard (3464m) entre autres veillent en témoins menacés par un réchauffement climatique galopant sur ce site sublime, presque irréel, où l’espoir côtoie le chaos. Et si la vue sur ces abîmes inquiétantes et ces flèches acérées ne me laisse pas indifférent, aujourd’hui, je veux voir l’espoir.

L’ESPOIR né de ces femmes et de ces hommes qui s’engagent sur le front de l’environnement. De celles et ceux que l’on entend pas suffisamment ou que l’on ne nous montre pas suffisamment mais qui œuvrent, chacun.e à leur niveau, pour rendre l’avenir meilleur. Pour trouver une échappatoire à la crise climatique.  De ces personnes, parfois dans l’ombre, qui participent à la protection de notre planète parfaite.

Une légende locale raconte:

Au-dessus du Grand Beau Rocher se nomme un endroit Le Gros Treu. Les hommes du pays racontent l’histoire de la pierre de fer. Dans ces endroits, il existe une pierre, si l’on tape dessus, elle crée un son étrange. Elle serait toute de fer constituée. Vestige de l’histoire géologique ou bout de pierre provenant du ciel…Un petit bout de cette pierre attire les aimants.

Les nuages s’accrochent au sommet. Le ciel azur s’obscurcit lentement prenant des teintes grisâtres menaçantes. Il est temps de redescendre. Les orages peuvent être très violents en montagne. Le pied plus sûr, j’allonge la foulée sur ce sentier à flanc de montagne. Mon regard plonge sur des habitations coincées au fond d’une vallée autrefois dominée par la ruralité, l’élevage et l’agriculture. Je m’arrête de temps à autre devant un pierrier à traverser, une fleur, une plante d’altitude… Toutes ces petites choses qui donnent du sel à la randonnée. Le changement de la flore est frappant par rapport au début de parcours. Je rejoins la route sauvage du Sabot au lieu-dit Cressin. Au niveau du lacet suivant, je traverse au milieu d’un paisible troupeau de bovins qui me fixe de leurs grands yeux ronds et noirs bordés de longs cils droits. Le regard doux, curieux empli de franchise et d’humilité. Droit devant, une vague piste herbeuse descend à travers les alpages sur les Dessus de La Villette, coupant la route à trois reprises. Le sentier traverse diverses prairies, passe près d’antennes avant de déboucher au-dessus de la résidence Le Crystal Blanc, au hameau du Rochas dont l’origine est Rocher, terme de la journée… Quelques minutes plus tard, l’orage éclate.

Les hameaux au fil de l’eau (Fiche)

Troisième et dernier jour. Malgré une bonne nuit, nous sommes un peu épuisés des efforts consentis la veille. Normal me direz-vous. Mais pas question de galvauder cette journée. Nous reprenons le chemin menant à l’Enversin d’Oz, premier des hameaux traversés. Ce dernier sillonne entre les champs où de grands frênes, murets et autres clapiers délimitent les propriétés avant d’enjamber le ruisseau du Flumet. Sur notre droite, nous continuons de descendre en fond de vallée où nous traversons de nouveau le Flumet dans un cadre enchanteur. La sente, à l’instar de celles que j’ai pu emprunter les jours précédents est très agréable et fort bien entretenue. Malgré une pente que je qualifierai de moyenne, j’ai du mal à suivre mon frère. Les jambes sont lourdes. Nous atteignons le hameau du Sert parfois orthographié Serf. Devant nous, le hameau de Pourchery au sein duquel la Chapelle Saint-Claude fut entièrement déplacée lors de l’élargissement de la route lors de la construction du barrage de Grand Maison. Il est bon de noter que chaque hameau dispose de son ou ses points d’eau, données importantes lors de ces périodes de canicule. Plus loin sur la route principale, au-dessus de la bergerie, le chemin entre de nouveau dans la forêt, serpente à l’ombre des arbres puis prend sur la droite pour rejoindre le quatrième et avant dernier hameau du jour, le Perrier. L’authenticité et le respect du patrimoine local prévaut. En sortie du lacet suivant, nous empruntons, sur notre droite, le chemin du Reposoir qui nous mène vers le Petit Vaujany, là où est érigé l’église. Il ne nous reste plus qu’à rejoindre le centre du village pour clore ce beau week-end.

Au gré de ces trois jours sur les chemins de randonnées que propose la commune, j’ai pu me rendre compte que la discrète petite sœur de l’Alpe d’Huez a su capitaliser sur ses beautés naturelles en alliant le progrès né de l’essor de l’activité touristique au charme pittoresque des habitations d’antan.  En faisant (re)vivre son passé là où s’écrit son futur…