– 300 000 ans, une simple ligne pareille à un chemin réalisée sur un coquillage ou plus sûrement sous l’ère d’homo sapiens, époque durant laquelle naquit les premiers dessins figuratifs. A ces prémices, le dessin n’avait aucune utilité pour l’Homme mais ça lui faisait plaisir. La notion de beauté vient d’apparaître emmenant avec elle un concept subjectif vecteur d’émotions et de messages : l’art.
Depuis, l’évolution est telle que nous avons façonné notre Terre, jouissant de ressources précieuses mais rares qu’elle nous a offertes. Mais ce développement ne se fait pas sans heurt.
Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres domaines, la notion d’héritage n’est jamais très loin. Presque latente.
Avant propos
Il fait froid ce 1er mars 2023. C’est en ce jour gris où le plafond nuageux bas ne prête pas à l’envie de prendre l’air que je m’apprête à coucher sur une feuille A3 une première ligne de fuite. Une ligne comme embryon d’une idée d’illustration qui a germé dans mon esprit durant les confinements successifs et que j’ai mûri depuis lors. La crise sanitaire d’alors rejoint une problématique climatique et environnementale. Un défi plus complexe et universel. Les visionnages de différents documentaires tels que ceux de la saga « Une Planète Parfaite » ainsi que, et plus particulièrement, celui de « Legacy – Notre héritage » de Yann-Arthus Bertrand m’ont alors amené à réfléchir à cette œuvre dans laquelle j’ai essayé de tenir un rôle de composition. Ils m’ont aussi librement inspiré les lignes ci-dessous. Des événements tragiques survenus depuis ont fait évoluer ma pensée. Dans mon esprit, la plupart des pièces du puzzle sont assemblées. Pour celles manquantes, elles trouveront la leur au fur et à mesure de l’avancement d’un projet qui restera le fil rouge des seize derniers mois. D’autres en revanche resteront au stade de représentation abstraite pure élaboration de l’esprit. Simple image mentale au sein d’une galaxie de points nébuleux. Vinrent plus tard, les colonnes, le cadran avec ses aiguilles comptant le temps et contant notre histoire. Puis la mise en contraste du tout. Tour à tour auteur et spectateur, j’assiste à l’éclosion de mon dessein.
En aparté, j’invite d’ailleurs toutes celles et tous ceux qui n’ont encore jamais vu la trilogie de Yann-Arthus Bertrand à la découvrir au plus vite. Et pour celles et ceux qui l’ont déjà regardé, à la redécouvrir. Parfaitement indispensable.
Un voyage poétique pour réflexion
Ce rôle de composition, quel est-il ? J’ai tenté ici et à l’instar de « Western American Train » mais peut-être plus encore de « Vision » qui venait refermer le joli petit livre de mon frère « Le phare des baleines », d’intégrer au sein d’une même œuvre plusieurs éléments, plusieurs figures qui me tenaient à cœur dans le but de raconter une histoire. Des objets symboles en quelque sorte. Le but étant de faire de ce dessin un voyage poétique susceptible de susciter un questionnement chez le spectateur. Sur le pourquoi de cette production ? Sur le monde ? Sur sa splendeur et sur ses enjeux sous-jacents. D’amener le lecteur à considérer la beauté de cette sphère peinte au couleur du rêve ou de la sagesse (bleu) et de l’espéranto (vert), cette langue universelle visant à promouvoir des valeurs de paix et de bienveillance.
Une sphère où tout est imbriqué. Que ce soit dans sa diversité ou au niveau des enjeux auxquels nous devons faire face qu’ils soient d’ordre environnementaux ou géopolitiques à l’heure où tant de droits humains sont bafoués et tant de vies humaines sacrifiées sur l’autel d’appropriation de territoires, de ressources (les énergies fossiles, l’eau) ou encore pour des croyances pseudo-religieuses… Bref, des événements actuels que je nommerais pas en ces lignes mais qui sauraient être compris de tous. Chacun en aura sa lecture. Me concernant, je vous livre dans ce post quelques clés pouvant expliquer en partie la mienne.
Ce dessin est avant tout le fruit du temps, cette ressource si précieuse. En effet, il s’est écoulé presque seize mois depuis le premier coup de crayon. Et ce, sans compter le temps de la réflexion. Pas forcément très assidu dans sa réalisation il me le faut bien avouer, c’est par cycle que j’ai procédé pour en arriver au résultat final. Le même schéma fut appliqué pour la rédaction de cet article. Le résultat d’une œuvre personnelle toutefois pas exempte de défaut (les rayons de lumière, l’intégration de l’horloge dans l’édifice…) mais dont je me satisfais pleinement. De ce fait, elle reflète par certains aspects certaines périodes rencontrées durant cette grosse année écoulée. Des instants de joies et plus rarement de peines, de rires mais aussi de pleurs. Bref, des histoires de vie.
« Passer ce temps c’est voyager »
Ne sachant pas vraiment comment articuler ma pensée sur la feuille blanche, la structure du dessin est inspirée du documentaire « France, le fabuleux voyage » dont le réalisateur est Michel Pitiot. Dans cette émission, la technique est au service d’un formidable voyage à travers les siècles, les millénaires. Dans les lignes ci-dessous j’expliquerai vers quelles grandes idées renvoient les motifs croqués.
Au premier plan, une silhouette – comme relai du lecteur – semble marcher vers le fond d’un édifice ancien qui pourrait aisément faire penser à un lieu de culte ou bien à un lieu culturel propice au silence et à l’observation. Du passé, du présent et de l’avenir. Un espace de célébration mais également de recueillement. En son centre, la grande horloge abrite les symboles de ce voyage qui débute donc ici. L’obscurité régnant à l’intérieur du bâtiment participe alors, du moins je l’espère, à la mise en valeur de ce microcosme, élément central de l’œuvre. Cela correspondait tout à fait à ma volonté de travailler sur des contrastes avec des tons sombres.
La construction sur un jeu d’ombre et de lumière que je trouve perfectible fait écho au rythme de la photosynthèse nécessaire à l’existence. C’est en ce sens qu’il est possible de décrire la figure de l’arbre de vie au centre de cet univers marquant le temps qui s’écoule depuis la création de notre planète (cf: les différentes dates en bas du cadran). Il représente aussi l’alliance qui existe entre tous ces éléments. Des forces titanesques, indomptables et intimement liées, ont modelé la planète telle que nous la connaissons. Mais ces forces nourricières reposent sur de saisissants jeux d’équilibres. Un équilibre subtil et parfait d’où surgit toutes formes de vie. C’est ainsi que cette diversité maintient ce dernier et assure la continuité. Gaïa, notre Terre, est la plus formidable et la plus gigantesque pièce d’horlogerie. La plus délicate aussi. Les paysages figurant un océan déchaîné et un volcan en éruption sont les marqueurs de ces quatres éléments qui composent la matière de ce musée à ciel ouvert ; l’air, l’eau, la terre et le feu.
Véritable pépinière pour nos sens, incubateur d’émotions et de sentiments inestimables, elle est une oasis synonyme de beauté et de richesse. Chacun a et doit avoir sa place, hommes comme animaux sauvages. Une oasis qui donne la vie et protège cette fragilité. Ce dessin ne peut en rendre compte, mais elle est aussi un kaléidoscope d’images éclatantes, dansantes devant nos yeux. Une mosaïque de parcours de vie, de personnalités et de sensibilités singulières qui se rencontrent et s’entremêlent les uns aux autres. Enfin, elle est une partition de sons multiples qui étrenne la vie comme le premier pleur ou le premier cri d’un nouveau-né. Un clignement de paupière, son rythme cardiaque résonne à la surface du globe comme le grondement du volcan. Orchestration pour un chœur d’enfants en capacité de faire jaillir une étincelle dans nos cœurs d’adultes. Et ces flammes sont incandescentes. Pour tout cela, ayons le souci de la Terre et du vivant. Et partageons-le.
Malheureusement, alors qu’il est important de préserver cet écosystème et avec ce dernier les hommes et les femmes qui le peuple, s’ajoutent désormais aux quatres forces vues précédemment celle de l’activité humaine ; les émissions de CO2. Destructrices lorsqu’elles impactent le climat et bouleversent lesdits équilibres. Les océans s’essoufflent et s’étouffent tandis que les forêts brûlent ou disparaissent. Il est souvent question de l’exceptionnel pouvoir d’adaptation des espèces végétales et animales parmi les plus rares de la planète. De l’homme aussi. Mais cette adaptabilité a ses limites. Elle n’agit pas sur la cause mais est le fruit des conséquences. Alors, peut-on se permettre de s’adapter indéfiniment ? L’adaptation étant un processus sur le long terme, quid d’un changement brutal ? Expression par excellence du changement et de la transformation, le papillon rappelle que de belles choses et des développements magnifiques peuvent émerger des situations difficiles. Il est cette lumière derrière ce voile opaque qui parfois se tend au gré des aléas de la vie, nous empêchant de voir au-delà.
Pour autant, nous avons la capacité d’agir. Et nos décisions auront une incidence sur les millénaires à venir. Ceci correspond au plus gros challenge de notre époque, simple chapitre d’une histoire naturelle. Aussi, des initiatives salutaires mais dont la mise en application n’est pas toujours garantie fleurissent ça et là sur la planète de la part d’individus, d’organisations qui se saisissent de cet enjeu majeur, climatique, économique et sociétal. C’est le cas de la grande muraille verte en Afrique. Pareil projet existe en Amazonie. Dans les sanctuaires marins, l’écosystème renaît progressivement. Nourrissant le plancton, véritable poumon de notre habitat. D’importantes avancées ont lieu sur le front des énergies renouvelables. En dehors de ces ambitieux projets, chacun peut à son échelle agir. En tant qu’animal totem, le colibri symbolise entre autres la liberté ou la créativité et évoque qu’aucun défi n’est insurmontable. Enfin, tout comme la théorie qui lui est rattachée, il véhicule aussi une légende faisant écho au propos sus-cité. Tel en fut conter :
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Là où certains disent que nous héritons de la Terre de nos parents, je terminerai cet article en citant ce proverbe amérindien :
« La Terre n’est pas un don de nos parents. Ce sont nos enfants qui nous la prêtent. »
A tous ces enfants, bâtisseurs de demain, pour qui, nous devons préserver la planète,
notre Terre… Leur Terre
Matériel utilisée
1 crayon HB, 1 crayon 2B, 1 crayon 4B, 1 crayon 6B, 1 crayon 8B, 1 critérium mine 0.5, 1 gomme, 1 crayon gomme pointe ultra-fine, 1 estompe, 1 règle
Je tiens pour finir à saluer les véritables auteurs qui se cache derrière les divers dessins ou photos dénichés ça et là sur l’immensité de la toile et qui m’ont servi de référence pour la réalisation de Legacy – Notre héritage. Inspirés. Inspirants…