Beaux – Firminy | 2022

Nous sommes 161 inscrits à cette édition 2022 de la randonnée pédestre Beaux - Firminy. C'est moins que pour son grand frère, le raid Le Puy - Firminy, où quelque 300 coureurs et coureuses se sont lancés dans cette nuit froide et pluvieuse du 20 novembre. Bien au-delà de la performance individuelle, ce sont le caractère familial de l'épreuve et la bonne humeur qui animent chacun des participants.


Date de sortie : 20 novembre 2022
Sport : Marche / Nature : Randonnée organisée
Lieu de départ : Beaux (43200) – Haute-Loire / Lieu d’arrivée : Firminy (42700) – Loire
Distance : 39,45 km
Altitude minimale : 463 m / Altitude maximale : 741 m
Dénivelé + : 851 m
Météo : Brouillard dans la matinée puis ciel dégagé avec un beau soleil
Trace GPS

S’il fait froid, la pluie a cessé et c’est au sec que devrait se dérouler cette randonnée. Je suis accompagné par mon papa qui s’est bien entrainé pour l’occasion. Mon frère, qui revient d’une concentration cycliste Chilkoot à Saint-Setiers sur le plateau des Millevaches avec à la clé une nuit de novembre à la belle étoile, ne peut être de la partie. Dommage.

Je retrouve Patrick, un collègue de boulot et Nicolas, qui faisait partie de la team Paris-Brest-Paris en 2019 en compagnie de mon frère. Ici, à contrario du Puy, il n’y a pas de départ groupé. Chacun s’élance quand il le souhaite. La frontale solidement attachée sur la tête, nous nous élançons de Beaux à 6h15. Certains courent, d’autres marchent. Tous ont le même désir, celui de rallier l’arrivée. La ligne des marcheurs s’étire rapidement et l’effet serpentin lumineux n’existe malheureusement pas. Nous tenons un rythme oscillant autour des 6,5 km/h, bien au-delà de ce que nous avions l’habitude de réaliser jusque là. Nous ne tardons pas à rentrer sur le premier chemin. Les faisceaux lumineux se confondent, se complètent. La grande majorité sont blancs, peu de couleur rouge. Certains éclairant large, d’autre loin. Pour d’autres encore, ne sont-ils pas que des placebo? Tous, ou presque, éclairent nos pas en mettant en évidence les pierres, les racines et autres ornières. Dans la nuit, les repères sont différents.

Dans la vallée et comme nous pouvions nous y attendre, l’humidité mêlée à des températures parfois proches des négatives suspendent dans l’atmosphère de fines gouttelettes d’eau. Le nez dans le brouillard enveloppant les paysages alentour, nous avançons allègrement. Repousser par la terre et refuser par le ciel, ce dernier s’étend uniformément et sans mouvement si bien qu’aucune échappée vers la lumière n’est possible. Il est 7h00 tout juste dépassé de quelques minutes lorsque nous enjambons le pont de Bransac. Le village commence à peine à s’éveiller sous son voile cotonneux. Il y a là quelque chose de fascinant et de mystérieux. La montée suivante est comme adoucie par cet “entre-deux” qui efface les reliefs, jouant avec les frontières entre le réel et l’imaginaire.

Doté d’un pouvoir ludique, le brouillard joue avec les formes, efface le pied d’une montagne, métamorphose un arbre en squelette, dissimule les lieux connus et révèle un monde nouveau. Obscur, changeant, il est difficile à cerner.

Mon papa alterne petite course et marche. Quant à moi, je garde un rythme soutenu mais régulier. A notre droite, la Loire nous fait entendre son sourd clapotis de l’eau. Nous arrivons bientôt à Confolent. Droit devant, le restaurant “L’air du Temps”. Serait-ce en ce lieu que nous attentent les bénévoles pour le premier point de contrôle? Non, ce ne sont que les effets de ces volutes blanches qui piègent mes pensées et troublent mon raisonnement. Mon papa retrouve un ancien collègue de boulot. L’occasion d’échanger quelques souvenirs et de faire l’éloge de la retraite. Nous traversons sur le très joli pont suspendu à haubans aujourd’hui classé au titre des monuments historiques. Plus loin, le nouveau viaduc du Lignon semble flotter au-dessus de nos têtes. Nous remontons en direction de Monistrol que nous atteindrons à 11h00. Toujours occulté par ce rideau opaque et vaporeux qui n’est plus tout à fait aussi épais, le soleil apporte sa douce lumière diffuse. Puis, le brouillard se dissipe peu à peu entrouvrant des lucarnes sur le ciel.

Subtile, légère et vivante, la brume féminine s’oppose au brouillard masculin, immobile et endormi.

Un bout de ciel bleu transperce le plafond banc. Puis, un deuxième. Bientôt, ce ne sera qu’une étendue bleue laissant apparaître un large panorama. Au loin, sur les hauteurs, les sommets des collines émergent des dernières nappes de brouillard. “Le brouillard finit toujours par rendre le paysage qu’il a volé” disait à ce propos Sylvain Tesson.

Le long de la très fréquentée et monotone D47, nous continuons d’avancer. Toujours avancer avec cette satanée douleur à l’aine apparue une poignée de minutes plus tôt et qui s’évanouira plus tard comme elle est venue. Jusqu’à atteindre des secteurs meilleurs. Ceux-ci interviendront au kilomètre vingt-trois. La terre succède au bitume sur quelque deux milles mètres. Et le chant timide des oiseaux à celui vrombissant des moteurs. La route s’élève de nouveau pour atteindre le troisième pointage situé à la Chapelle-d’Aurec.

Là, nous apprenons que la partie la plus délicate du parcours se situe un peu plus loin et risque d’en surprendre plus d’un. Les bénévoles ont l’art d’entretenir le suspens. J’ai hâte de voir ça. Il reste alors un peu plus de douze kilomètres à couvrir, la plupart sur des portions non goudronnées. Nous continuons de monter jusqu’au lieu-dit La Peyrouse, avant de suivre des plateaux que nous quitterons vers Le Cortial. La pente décline. Une jolie fresque colorée égaye le mur d’un local technique. A l’entrée du chemin, je rentre facilement sur un groupe en arrière duquel se trouve la benjamine du jour, 15 ans. Sur un rythme qui n’est pas le mien, je m’impatiente, me déconcentre et commet l’erreur. Celle qui te fait glisser sur une pierre mouillée. Je me relève dans la foulée. Ouf, sans conséquence… De leçon, ça me servira. Sur son éperon rocheux, vestige d’un ancien château fort du 12e siècle, la tour d’Oriol veille sur cette nature préservée. Dans la vallée, coule la Semène qui scintille des milles et un reflets dorés d’arbres habillés aux couleurs de feu de l’automne. J’avale avec gourmandise la principale difficulté du jour comme j’avalerai le pain choc’ tout juste réchauffé et les crêpes maison au ravitaillement de Lafayette. J’y resterai de très longues minutes à discuter avec des bénévoles que je tiens à remercier pour leur chaleureux accueil.

Je suis content de voir mon binôme tenir ma cadence quand la foulée de certains participants est saccadée, heurtée. Le mental ayant pris le relais de l’aspect physique. Eux, ont-ils peut-être réalisé le raid? Nous attaquons la légère descente qui nous ramène sur Firminy. Un dernier selfie père-fils en poche nous atteignons le centre laïque culturel et sportif des Noyers. Il est 13h50, soit une moyenne de près de 6 km/h. De quoi être fier de mon père… Et de regretter l’absence de mon frère. Sûr qu’il aurait apprécié.